Defred fait partie des Servantes écarlates de la République de Gilead. Elle nous conte son histoire à travers les pages de ce roman, tantôt se remémorant son passé, tantôt décrivant ce présent sombre et écrasant. D’ailleurs, Defred n’est pas son vrai prénom. On le lui a donné le jour où elle est arrivée chez son commandant. Elle lui appartient jusqu’à ce qu’elle lui offre un enfant. Si elle ne réussit pas sa mission, elle sera déclarée non-femme, et dieu seul sait ce qui lui arrivera…
Auteur : Margaret Atwood
Editions : Robert Laffont
Récompenses : Prix Arthur C.Clarke en 1985
Le roman se déroule dans un futur proche, voire très proche, aux Etats-Unis, dans la République totalitaire de Gilead. L’un des principaux problèmes de cette époque, c’est l’infertilité croissante causée sans doute par la pollution et les déchets radio-actifs. Les naissances se font de plus en plus rares, et lorsqu’elles adviennent, beaucoup d’enfants ne sont pas viables. Pour palier ce phénomène, les femmes déclarées fertiles (celles ayant déjà eu des enfants avant la mise en place du régime politique) sont réquisitionnées et endoctrinées pour servir de réceptacle, de machine à enfanter. Ce sont les Servantes, dont Defred fait partie.
Notre fonction est la reproduction : nous ne sommes pas des concubines, des geishas ni des courtisanes. Au contraire : tout a été fait pour nous éliminer de ces catégories. Rien en nous ne doit séduire, aucune latitude n’est autorisée pour que fleurissent des désirs secrets, nulle faveur particulière ne doit être extorquée par des cajoleries, ni de part ni d’autre ; l’amour ne doit trouver aucune prise. Nous sommes des utérus à deux pattes, un point c’est tout : vases sacrés, calices ambulants.
Il faut savoir qu’à Gilead, la société est très fragmentée. Il y a les Servantes, oui, mais il y a aussi les Marthas, femmes de ménage, de maison, femmes à tout faire. Il y a les Épouses, mariées aux Commandants, qui dirigent la maison et y font la loi. Et puis, il y a les Ecofemmes, mariées elles aux hommes moins puissants. Les non-femmes, celles qui sont infertiles ou traîtresses à la République sont envoyées aux colonies, pour trier les déchets radio-actifs ou dans le meilleur des cas, ramasser du coton ou des légumes. Pour le sexe opposé, les Commandants sont les hommes importants, d’influence, les riches. Mais il y a aussi les militaires, entre autres, qui œuvrent dans l’armée avant de se voir attribuer une Ecofemme. Et les traîtres ont un destin funeste.
Bien sûr, les libertés n’existent plus à Gilead. Les Yeux sont partout, ils observent tout, ils savent tout. Chacun doit suivre son rôle quotidien à la lettre, sous peine de voir arriver la camionnette noire qui les emmènera on ne sait où, pour leur faire subir on ne sait quel supplice.
Et là-dedans, Defred nous raconte son histoire, son passé, son présent, ses espoirs cassés, son amour perdu, l’enfant qu’on lui a enlevé, sa condition, sa soumission.
Pas un pissenlit en vue ici, les pelouses sont soigneusement épilées. J'ai la nostalgie d'un pissenlit, un seul, poussé au hasard, dans son insolence d'ordure, difficile à éliminer et perpétuellement jaune comme le soleil. Gai et plébéien et brillant pareillement pour tous. Nous en faisions des bagues, et des couronnes et des colliers, nous tachant les doigts de son lait amer. Ou j'en tenais un sous son menton : "Est-ce que tu aimes le beurre?"
Au départ, le roman est assez contemplatif, mais le rythme s’accélère à mesure que les pages se tournent, et nous laisse finalement sur une fin qui nous faire dire « encore, crévindious, encore ! ».
Vous l’aurez compris, cette histoire est une belle dystopie. Elle est souvent considérée comme une « dystopie féministe » par rapport à la condition des femmes tout au long du bouquin. L’auteure ne trouve pas ce terme vraiment approprié, car les hommes n’ont pas beaucoup plus de droits que les femmes, et que la structure sociétale reste en fait pyramidale : les plus puissants des deux sexes en haut, puis différentes catégories de personnes de moins en moins puissantes jusqu’en bas de l’échelle où se trouvent les hommes militaires, célibataires. Les Servantes quant à elles sont dans une caste bien particulière et assez haut-placée. Elles sont intouchables, car très précieuses.
Ce qui est génial dans le système de Gilead, c’est que rien n’est inventé ! Tout le fonctionnement et l’organisation décrits là ont déjà été instaurés, ici ou ailleurs, à notre époque ou à une autre… Margaret Atwood a effectivement pris le parti de ne rien inclure que l’humanité n’avait pas déjà fait. Cela va des tenues propres à chaque catégorie sociale (ici le rouge pour les Servantes, le bleu pour les Épouses, le vert pour les Marthas,etc), à la pendaison collective, l’interdiction de la lecture, les enfants volés, la soumission, la surveillance… On pioche un peu dans la doctrine de l’Église, dans les différentes dictatures qui ont eu lieu, la seconde guerre mondiale, les milices, et autres… On mélange le tout habilement, et on se retrouve à Gilead. Incroyable ! Une société basée sur un idéalisme, incorporé à un système d’élévation de la société par des valeurs morales affiliées à une sorte de religion. Bingo. Et nom d’une pipe, ça fait peur !
Penser peut nuire à nos chances, et j'ai l'intention de durer.
Évidemment, on sent que ce roman dénonce. Le totalitarisme, bien sûr, le traitement des humains, des femmes en particulier, la religion et ses croyances bizarroïdes… Mais la forme du texte semble aussi nous mettre en garde. Contre le le poids écrasant, l’engrenage du système. Contre nous-même, notre propre soumission. C’est comme si le livre nous glissait à l’oreille « Et toi, que ferais-tu ? Que fais-tu ? Qu’attends-tu ? »
Mais surtout, je pense que ce livre est comme un hymne à la liberté… Avec ce refrain qui résonne au fil des pages :
Nolite te salopardes exterminorum.
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Commentaires
Trop bien ce roman !! Atwood est aussi l'auteure du "Dernier homme" qui a été adapté au cinéma sous le nom "les fils de l'homme", aussi un excellent film !
Ecrit par Sam le mercredi 30 novembre 2016 à 20:57
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